Comte à rebours

lundi 24 mars 2014

Résultats de l'examen préliminaire

L'OEB vient de diffuser les résultats de l'examen préliminaire "nouvelle génération" !

Nouvelle génération, car il ne suffisait plus d'avoir 50/100 cette année. L'OEB, voulant couper court au fléau de la réussite de masse, a en effet décidé de relever la barre à 70/100. On peut se demander s'il était nécessaire de se précipiter pour modifier les conditions de réussites au pré-EEQ, vu que l'on a encore très peu de recul sur les performances des candidats estampillés "pré-EEQ" à l'examen principal, mais bon.

Alors, quel est le bilan ?


Quelques stats :

Sur 662 candidats, 555 ont passé la barre, soit un taux de réussite de 83,8%, moins que l'an dernier (99,69%). 14 candidats ont écopés d'un zéro (très probablement des candidats ne s'étant pas présentés), la note la plus basse se situant plutôt aux alentours de 35. La note la plus élevée est de 98. En voilà un qui se mordra les doigts d'avoir loupé le carton plein, mais il n'avait qu'à bosser...

La majeure partie des gens se situent entre 80 et 90, 19,4% des candidats obtenant au moins 90/100. La note médiane est de 82,5.

Et maintenant, la question est : l'OEB va-t-il relever la barre à 75/100 l'an prochain pour atteindre un taux de 75% de réussite au pré-EQE ?

Et félicitation à tous ceux qui, dès à présent, ont la tête dans l'EEQ !

mardi 18 mars 2014

Ca chambre encore...

Est-ce pour se faire pardonner le long silence depuis la dernière livraison de décisions de recours ? Est-ce un moyen de réveiller les grands sages ? Toujours est-il que pour son unique mise en ligne de décision en 15 jours, l'Office Européen a décidé de frapper fort, avec rien moins qu'une décision destinée à être publiée dans le JO, et une autre question posée à la Grande Chambre de Recours. A savoir:
Where a notice of appeal is filed but the appeal fee is paid after expiry of the time limit of Article 108 EPC, first sentence, is this appeal inadmissible or deemed not to have been filed ?
Autant dire que l'excitation retombe tout de suite, vu qu'un parfum de déjà vu flotte dans l'air...

Bien que le fond de l'affaire soit totalement différent, l'exposé de la nécessité d'adresser cette question à la Grande Chambre de Recours est sensiblement le même que dans la décision T 1553/13. Cette décision a toutefois l'intérêt de permettre au public non germanophone et ne pouvant attendre la publication au JO d'accéder au raisonnement, en anglais cette fois. Pour faire bonne mesure, il serait opportun qu'une chambre de recours adresse la même question dans une procédure dont la langue est le français...

Un point de cette décision T 2017/12 est tout de même assez amusant. Ce recours fait suite à la décision de la division d'examen de rejet de la demande de brevet. La décision a été signifiée le 15 novembre 2011 et le recours formé le 31 mai 2012.

Pas besoin de consulter le calendrier des jours de fermeture de l'OEB pour se rendre compte que le délai de 2 mois pour former recours, et de 4 mois pour soumettre le mémoire étaient dépassés.

Le déposant a fait une requête en restitutio in integrum, soutenant que l'entreprise était en train de changer de mains, et que les négociations, plus complexes que prévues, avaient provoqué l'erreur ayant conduit à ne pas respecter le délai pour former recours. Cet argument n'a pas été retenu par la Chambre:

1.3.2 Due care in take-over periods
As a starting point the board accepts that in the course of complicated transfers of ownership of a company isolated mistakes cannot be entirely avoided despite all due care. But this does not mean that transfer negotiations alone are an acceptable excuse for failing to observe time limits. Consequently, the board cannot accept the appellant's argument that company transfer negotiations per se constitute exceptional circumstances which would establish that all due care had been taken although a time limit was missed. The board considers that the take-over of a company is a normal economic activity which does not necessarily affect everyday business. The board concludes that it was up to the appellant to provide details as to why the present take-over negotiations may have affected the patent administration in an exceptional manner.
D'autant plus que le déposant n'a apparemment pas été très explicite quant à la justification de l'influence des négociations sur le loupé des délais:
1.3.3 The facts of the case at hand
[...]The appellant did not provide any detail regarding the patent handling procedures employed by the applicant or the new owner and how they might have been affected by the "turbulent" takeover negotiations; reference is only made to "a long history of patent development" and "a hitherto flawless record". Also no concrete details were given of the nature of the error and how it occurred; all that is said is that "SnapNames or Oversee ... apparently forgot to instruct the professional representative".
Deux délais ayant été manqués (les 2 mois de la formation du recours et les 4 mois pour soumettre le mémoire), le déposant a payé deux taxes de Restitutio. Il demande le remboursement de l'une de ces taxes, en se basant sur le principe de bonne foi et sur le fait que la décision de l'OEB d'accorder la Restitutio pour ces deux évènements ne nécessitait pas plus de travail que de décider d'accorder la Restitutio pour un seul de ces évènements...
IX. In its letter of 23 September 2013 the appellant, despite having been informed via both the minutes and the subsequent communication that the board had decided this point, further argued that the fees for the omissions of filing the appeal and the grounds were in fact only one issue, as they were closely interlinked. Following the principle of good faith only one fee should be paid, because deciding on the present two issues did not cause more workload for the EPO
Evidemment, l'Office apprécie à sa juste mesure que l'on juge de la pertinence ou non de payer les taxes... Mais tout de même, au détour du motif 2, on trouve cette phrase curieuse : La Chambre relève que la structure des taxes de la CBE ne reflète pas nécessairement la charge de travail effectivement imposée à l'OEB dans chaque situation individuelle.
2. Refund of one fee for re-establishment of rights
[...]The board takes this as an indication that each time limit has to be considered separately and concludes that, in the absence of any hint to the contrary, for the number of fees to be paid the number of missed time limits is decisive.
[...]
The same reasoning applies to the requests for re-establishment of rights in relation to the filing of a notice of appeal and of the grounds of appeal, firstly because the corresponding time limits expire independently of one another, notwithstanding the fact that they are triggered by the same event, namely the dispatch of the written reasons for a decision. The board notes that for example if the time limit for filing an appeal were extended from a weekend to a Monday by virtue of Rule 134(1) EPC, this would have no effect on the expiry of the time limit for filing the grounds of appeal. Secondly, failure to meet either of these time limits individually results in a loss of the right to appeal. Article 108 EPC, first sentence, states that the appeal shall be filed within two months of the notification of the decision and Article 108 EPC, third sentence, provides that a statement setting out the grounds of appeal shall be filed within four months of notification. Failure to comply with either one of the two time limits would cause the appeal to be rejected as inadmissible, provided that the appeal fee was paid. Consequently, two fees for re-establishment were indeed due and hence a refund of one of those fees is not possible.
The applicant's counter-arguments were not convincing. It depended on the principle of good faith combined with the fact that it put no additional workload on the EPO to decide on these two omitted acts rather than only one to justify its opinion that only one fee was payable. In this respect the board notes that the fee structure of the EPC does not necessarily reflect the actual workload imposed on the EPO in any individual case. Rather, legislators have chosen lump sums as fees that are for example independent of the number of auxiliary requests to be decided or the days allowed for conducting oral proceedings.
 Le demandeur ne reverra donc pas sa taxe de Restitutio. Est-ce qu'il récupèrera au moins sa taxe de recours ? C'est à la Grande Chambre de décider.

samedi 1 mars 2014

La taxe de recours se fait chambrer

Voilà une décision qui va permettre à la Grande Chambre de Recours de penser à autre chose qu'aux tomates, brocolis, et autres poivrons jamaïquains...

Dans la décision intermédiaire T 1553/13, la Chambre de Recours a adressé la question suivante à la Grande Chambre :
Ist eine Beschwerde unzulässig oder gilt sie als nicht eingelegt, wenn die Einlegung der Beschwerde und die Zahlung der Beschwerdegebühr nach Ablauf der Beschwerdefrist des Artikels 108 Satz 1 EPÜ erfolgen?
Soit (traduction libre), "Un recours est-il irrecevable, ou bien réputé non formé, lorsque le dépôt de l'appel et le paiement de la taxe de recours sont effectués après l'expiration du délai de recours mentionné article 108 phrase 1 CBE ?".

La question peut paraître curieuse à la lecture de l'art.108 phrase 2 CBE : "Le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours". Évidemment, la Chambre est aussi au courant.

Revenons rapidement à la base de la décision. La décision de la Division d'Opposition, datée du 25.04.2013, parvient à l'Office du mandataire le 26.04.2013 (un mardi) où elle est réceptionnée par un certain "Weber". Le mandataire signe l'accusé de réception le 07.05.2013 et forme un recours deux mois plus tard, le 08.07.2013 (un lundi).

Pour l'OEB, le recours devait être formé au plus tard le 05.07.2013 (vendredi), soit la date déterminée en ajoutant la fiction des 10 jours de la R.126(2) CBE plus le délai de deux mois de l'art.108 CBE 1ère phrase.

Le mandataire tente bien de se défendre en invoquant le code des postes Allemand pour justifier que le point de départ du délai de 2 mois était la date de signature (le 07.04.2013), lequel se situait au delà du délai fictif de 10 jours. La Chambre évacue rapidement la question. Le recours n'est pas valable.
4. Die Auffassung des Vertreters der Beschwerdeführerin, dass die zweimonatige Beschwerdefrist ausgehend vom Datum der Unterzeichnung des Empfangsbekenntnisses am 7. Mai 2013, das dem Tag der tatsächlichen Kenntnisnahme entspreche, zu berechnen sei und folglich die Beschwerdeschrift rechtzeitig eingegangen wäre, entspricht nicht der Rechtslage.
Oui mais... Est-ce que le recours est "réputé non formé", ou bien "irrecevable" ? De la sanction juridique va découler le remboursement, ou non, de la taxe de recours !

Le cœur du problème provient de la formulation de l'art.108 CBE 2ème phrase, et de son articulation avec la R.101(1) CBE, soit d'une part "Le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours", et d'autre part "Si le recours n'est pas conforme aux articles 106 à 108 [...], la chambre de recours le rejette comme irrecevable, à moins qu'il n'ait été remédié aux irrégularités avant l'expiration du délai applicable en vertu de l'article 108".

Donc d'un coté, tant que la taxe n'est pas payée, le recours n'est pas réputé formé, mais si on remédie à l'irrégularité après le délai, le recours est irrecevable. Un recours peut-il être irrecevable s'il est non formé ?

La Chambre relève tout d'abord que, dans la majorité des décisions, un paiement tardif a aboutit à considérer le recours réputé non formé, et par conséquent au remboursement d'office de la taxe de recours (car le paiement a été réalisé sans cause). Elle cite, par exemple, la décision J 16/82:
2. L'une des conditions de la recevabilité d'un recours est le paiement de la taxe correspondante dans un délai de deux mois, conformément à l'article 108 de la CBE; faute de quoi, le recours est considéré comme non formé, en application de l'article 108, deuxième phrase de la CBE (cf. décision de la Chambre de recours juridique J 21/80 du 26 février 1981, JO de l'OEB n° 4/1981, p. 101).
9. La restitutio in integrum ne pouvant être accordée, le recours est considéré comme non formé, en application de l'article 108, deuxième phrase de la CBE. En raison de la relation de causalité existant avec la première phrase de l'article 108, il faut entendre par la deuxième phrase dudit article que le recours est considéré comme non formé si la taxe correspondante n'a pas été acquittée dans le délai prescrit pour l'introduction du recours (voir également décision J 21/80 du 26 février 1981, JO de l'OEB n° 4/1981, p. 101 déjà mentionnée au point 2).
10. Lorsqu'en application de l'article 108, deuxième phrase de la CBE, un recours est considéré comme non formé au motif que la taxe correspondante n'a été payée qu'après l'expiration du délai prescrit pour l'introduction du recours, un tel paiement perd sa raison d'être. Il y a donc lieu d'en rembourser d'office le montant.
Sauf que... Un certain nombre de décisions divergentes ont conclu à l'irrecevabilité du recours, et par conséquent au non remboursement de la taxe.
8.1.2 In den Entscheidungen T 1289/10, T 1535/10 und T 2210/10 wurde Beschwerde als unzulässig verworfen ohne dass eine Rückzahlung der Beschwerdegebühr angeordnet worden ist, obwohl die Beschwerde nach Ablauf der Beschwerdefrist eingelegt wurde und obwohl die Beschwerdegebühr erst nach Ablauf dieser Frist gezahlt wurde. In den Gründen wurde dies nicht behandelt.
 Et de citer à l'appui de ces décisions un extrait de la décision T 79/01:
10. [...]There is no reason to provide the appellant with a more favourable treatment in case of late (or insufficient, as in the present case) payment of the appeal fee (ie the appeal is deemed not been filed and the appeal fee is reimbursed) as in case of, for example, late filed statement of grounds (inadmissibility of the appeal). Moreover the "travaux preparatoires" seem to support this interpretation. In the "Materialien zum EPÜ" (IV/6514/61-D) is provided for, with reference to the "Entscheidungsmöglichkeiten der Beschwerdekammer" , that "Die Kammer kann feststellen, dass die Beschwerde wegen Nichtentrichtung der Gebühr unzulässig ist"
Par conséquent, il est nécessaire de trancher clairement la conséquence juridique, afin de savoir s'il faut rendre les sous ou pas (ce qui rappelle cette vielle citation : "nous rendons la justice, mais nous ne rendons pas l'argent")
In der hier zu entscheidenden Sache hängt es von der Auslegung des Artikels 108 Satz 2 EPÜ ab, ob die Beschwerdegebühr zurückzuzahlen ist. Dies wäre nur dann der Fall, wenn die Beschwerde als nicht erhoben gilt. Ist die Beschwerde unzulässig, dann kann die Beschwerdegebühr nicht zurückgezahlt werden. Die Kammer neigt zu letzterem.

La formulation que l'on retrouve art.108 CBE 2ème phrase est présente régulièrement dans la CBE. La Chambre, au point 8.2 des motifs, fait une liste assez conséquente. En revanche, autant les conséquences, par exemple, d'un paiement tardif de la taxe d'examen sont très claires (art.94(1) ens. R.70(1) CBE : on paie dans un délai de 6 mois. Une requête formée hors délais a pour conséquence que la demande est réputée retirée art.94(2) CBE, les modalités de remboursement étant déterminées dans le Règlement Relatif aux Taxes), autant un tel mécanisme semble manquer pour l'art.108 CBE ce qui, dans la langue de l'inspecteur Derrick, s'expose:
Hinzu kommt, dass die Vertragsschließenden des Europäischen Patentübereinkommens an anderer Stelle sehr wohl Formulierungen verwenden, die Konsequenzen nicht rechtzeitiger Verfahrenshandlungen regeln. So bestimmt Artikel 94 (2) EPÜ ausdrücklich, dass, wenn ein Prüfungsantrag nicht rechtzeitig gestellt wird, die Anmeldung als zurückgenommen gilt. Artikel 11 der Gebührenordnung regelt ergänzend ausdrücklich, wann und in welchem Umfang die Prüfungsgebühr zurückgezahlt wird. Regelungen dieser Art fehlen zu Artikel 108 Satz 2 EPÜ. Es erscheint deshalb als nicht systemgemäß in Artikel 108 Satz 2 EPÜ ein Wort hineinzulesen, das dort nicht steht (siehe oben 8.4.2, 1. Absatz). 
 A suivre, donc...